KATARINA AXELSSON / Julia Baudin (2006)


Carnets de croquis, morceaux de toiles, panneaux très fins de bois de bouleau, préparation simple (gesso), pinceaux, pochoirs, peinture acrylique, vernis.

Combinaisons et juxtapositions d’esquisses assistées par ordinateur - à la façon d’un Photoshop rustique -, travail en négatif, réserves de blanc inspiré d’un pro-cédé de la gravure, ajout de couleurs au pinceau, au pochoir.

Landes, chemins de l’Aveyron, campagnes charentaises, paysages nordiques, perspectives urbaines, architectures. Le monde est attrapé en levant la tête ou de la fenêtre d’un train. Vision furtive, exposition brève que le travail de l’atelier fait « monter » comme dans un bain révélateur.

Promenade de couples entre chien et loup, poules fuyant dans la nuit, île vue d’en face, eau calme, soleil noir, raies de lumière dans les frondaisons, brume matinale.

Katarina Axelsson observe, aime, saisit, soustrait, ajoute et donne vie à des compositions étrangement sereines. Ainsi cette « île en face », bande sombre de conifères qui se reflète dans une eau si parfaitement calme, trop calme... Un jeune enfant et sa sœur pourraient s’y perdre, un loup y surgir. Ainsi ces poules, fuyant vers le Nord à la poursuite d’une étoile. Où courent-elles effrayées ? Et cette cabane isolée sur la lande ? Et ces paisibles promeneurs. Sont-ils heureux, vraiment ?

Peut-il s’agir seulement d’anecdotes, d’instantanés croqués au détour du che-min ? L’inquiétante étrangeté du conte sous-tend la toile. Katarina Axelsson peint dans cette lumière du Nord animée de forces naturelles et que décrit si justement Selma Lagerlöf dans ses récits. Une nature vue depuis l’enfance.


© Julia Baudin


« Un beau matin en marchant au bois, j’arrive à un enclos en jachère. Mes pensées furent loin, mais les yeux observèrent un objet inconnu, bizarre gisant sur le champ. Un instant ce fut une vache ; aussitôt deux paysans qui s’embrassaient ; après un tronc d’arbre, puis... Cette oscillation des impressions me fait plaisir... un acte de vo-lonté et je veux plus savoir [sic] ce que c’est... je sens que le rideau du conscient va se lever... mais je ne veux pas. Encore... maintenant, c’est un déjeuner champêtre, on mange... mais les figures sont immobiles comme dans un panoptikon... ah... ça y est... c’est une charrue sur laquelle le laboureur a jeté son habit et suspendu son sac ! Tout est dit. Rien plus rien à voir. La jouissance perdue ! »


August Strindberg, Du hasard dans la production artistique. Article écrit en français pour la Revue des Revues, Paris 1894.